mercredi 20 juillet 2016

Horace Vernet. Une controverse


Quand on est né d'une famille de peintres célèbres et à Paris au palais du Louvre où parents et grands-parents sont les hôtes de la monarchie et qui plus est 14 jours avant la prise de la Bastille, il faut bien s'attendre à un destin hors du commun. Ce fût le cas d'Horace Vernet, né le 30 juin 1789 et qui vécut dans la tourmente des années révolutionnaires, des empires, de la restauration.

Dans la famille Vernet je voudrais le père : Carle, peintre de genre qui s'illustrera dans la peinture militaire.
Je voudrais le grand-père : Joseph Vernet né en Avignon fameux pour ses marines dont il lança la mode.
Enfin dans la famille Vernet je voudrais le fils : Horace est l'élève des précédents et il faut bien le dire héritier du "fond de commerce" familial. Mais ce qui le caractérise, c'est surtout ses capacités "d'adaptation" aux divers changements politiques pour le dire pudiquement. De tradition familiale royaliste, il se ralliera à Napoléon et à l'Empire, suivra le courant libéral, sera un temps républicain mais jamais royaliste ce qui ne l'empêchera pas d'obtenir des commandes officielles de Charles X. Il deviendra le peintre officiel du Second Empire et honorera de nombreuses commandes d'état sous différents régimes. À l'étranger il travaillera pour le Tsar Nicolas 1er

                                                                   Toute le démesure du romantisme...

Sa carrière fut fulgurante. À 22 ans il obtint la médaille de 1ère classe, décoré de la Légion d'Honneur à 25, membre de l'institut à 36, directeur de la villa Médicis à 38. En un mot, Il fut la "coqueluche" de son temps. Peintre brillant mais superficiel, on devrait dire adroit mais surtout académique à sa maturité et opportuniste.
C'est cet ensemble qui provoqua critiques, jalousies et jugements acerbes. Charles Baudelaire s'est attaché à l'éreinter à plusieurs reprises : "M. Horace Vernet est un militaire qui fait de la peinture" écrira-t-il. Cruel mais pas faux ! Cependant il est permis un siècle et demi plus tard de jeter sur l'homme un regard dépassionné.

En effet Horace Vernet au-delà de l'image fréquemment véhiculée jusqu'à nos jours par certains critiques et historiens d'art, de propagandiste de l'épopée napoléonienne et de la colonisation sans distance, voire de peintre "pompier", est un personnage bien plus complexe et qui mérite mieux que les étiquettes dont on l'affuble. Bien sûr on ne peut nier ces allégations critiques, mais c'est écarter un peu rapidement son apport important à la peinture et à l'art en général.

                                                                              Louis- Philippe à Versailles

Le jeune artiste se jette dans le courant romantique. "Il peignait avec force et exubérance, dans des couleurs chaudes et vibrantes des batailles médiévales ou modernes, des allégories, la frénésie des chevaux sauvages…" écrit Lynne Thornton (1).  Il innove. Il invente. Bouleverse les codes du moins à cette période. Dans ses grandes scènes héroïques, le roi, le prince, le chef de guerre n'est plus obligatoirement au centre de l'œuvre. Chaque portion de la toile raconte une histoire.
Signe des temps il se passionnera pour l'orientalisme dont il sera un des meilleurs représentants aux cotés de Delacroix, Chasseriau, Doré etc.. Recherchant la vérité picturale, posant un regard ethnologique, parfois fantasmé mais qui bouleverse  profondément les règles du genre.

                                                                       L'épopée héroïque: Arcole

Pour lui, les représentations bibliques, par exemple, doivent être "réalistes". Au risque de sombrer dans un syncrétisme réducteur, ce qu'il voit lors de ses séjours d'Algérie, c'est l'Egypte de l'antiquité. Fini les Rébecca et autres Judith de type européen. Ses modèles sont indigènes. Changement radical d'une esthétique de plusieurs siècles. Dans la logique coloniale du temps rien ne devait avoir évolué depuis plus de 1000 ans dans les pays conquis ou à conquérir, pas plus que sous d'autres cieux on n'admettait qu'il puisse exister une civilisation. Tous sauvages ou attardés ! Par conséquent les lieux, l'habillement, les coutumes contemporains sont ceux des temps bibliques.

                                                                       Un épisode biblique.   Juda et Tamar

Il sera également des premiers utilisateurs d'une invention nouvelle : la photographie. C'est l'Egypte, la Syrie, la Palestine. "Nous daguerréotipillons comme des lions" écrit-il alors à un proche.

À l'âge de 66 ans  il fait construire Aux Bormettes le château que nous connaissons. Le lieu, la mer, les collines environnantes lui rappellent l'Algérie.
Est-ce là qu'en décembre1862, gravement malade, il reçoit une lettre de l'Empereur Napoléon III : "Mon cher Monsieur Horace Vernet, je vous envoie la croix de Grand officier de la Légion d'honneur comme au grand peintre d'une grande époque…" ?
Il s'éteindra le 17 janvier de l'année suivante. L'histoire serait belle, hélas ce n'est qu'un rêve, c'est à Paris que la vie l'abandonna. Il est inhumé au cimetière de Montmartre.



Biblio :
- (1) les Orientalistes peintres voyageurs par Lynne Thornton
  édit. ACR Poche couleur
- Orientalisme par Christine Peltre
   édit. Terrail

hv

                                                

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