NRF Gallimard Sylvain Tesson
Deux mois et demi de marche. Sylvain Tesson est écrivain voyageur. Il a fait le tour du monde. "… absurde de connaitre Samarcande alors qu'il y avait l'Indre et Loire." dira-t-il. Provocation ? Résignation ? Pied de nez au sort ?
Il est marcheur à l'ancienne, c'est-à-dire sans balisage ni GPS. Seulement une carte, de l'instinct et le sens du terrain. Il préfère la trace qui se perd et égare, la trouée dans le maquis, les chemins qui se ferment, aux autoroutes pour piétons et aux chemins balisés pour adeptes en "Quechua". Il veut explorer les derniers espaces de liberté à porté de pieds.
Au fil des pages il nous entraîne dans une réflexion sur la modernité. Sur l'histoire récente de la ruralité. L'aménagement du territoire. Ce n'est pas un récit de voyage, au sens habituel , mais celui d'une reconstruction même si l'auteur ne nous encombre pas avec son égo. C'est une réflexion désabusée sur un monde qui court à sa perte, en massacrant son seul bien : la terre. Il traverse ces campagnes vidées par les guerres et les 30 glorieuses. Réflexions sur l'évolution de l'espace rural. Réflexions sur la carte et le territoire (S. Tesson est géographe de formation). Qui n'a connu ces chemins fermés, privatisés au mépris des lois, le mitage de l'espace par un urbanisme envahissant, les barrières et les interdictions aussi idiotes qu'inutiles ?
L'écriture est vive, brillante, presque trop parfois !
Je ne sais pas si c'est de la philosophie, mais ça y ressemble diablement ! Le marcheur au long court est forcement philosophe. La lenteur et la monotonie y incite. Il lui faudra 3 semaines pour traverser la Provence en suivant le lit du var puis le Verdon et enfin le Ventoux et le comtat Venaissin. Arrivé aux portes du Rhône il fait un constat :
" … Qu'avait-elle (la Provence NDRL) à voir avec les représentations azuréennes que les américains de tout à l'heure poursuivaient au guidon de leurs bicyclettes ? S'ils avaient lu Giono, ils ne seraient pas venus. Le pays n'était pas conforme aux images de " To Catch a Thief ". Alfred Hitchcock avait composé un diaporama publicitaire de villages perchés. Le romancier de Manosque, lui, faisait rendre gorge de son venin au pays. Sa Provence grinçait dans le vent, gémissait sous le pied. Le caillou y affleurait, dur. L'eau y était rare, la nature cannibale. Le climat avait l'orage ou la canicule à offrir à une végétation d'épines. Les bêtes se dévoraient, mandibules en avant. La Provence ? Un oursin."
Belle description !
* http://actionlondaise.blogspot.fr/2016/03/godillot.html
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