En 1834 les guides Michelin n'existaient pas encore, et de loin. Ne parlons pas du Routard, ou même des guides Bleus... Néanmoins le voyageur n'est pas pris au dépourvu.
1834 On ne parle pas encore de La Londe, Horace Vernet est directeur de la Villa Médicis à Rome et pense plus à l'Algérie dont la conquête militaire est en train de se faire qu'aux Bormettes, dont il ignore vraisemblablement encore l'existence. Cependant un ouvrage pratique détaillé à l'usage du voyageur que l'on n'appelle pas encore touriste est mis à sa disposition. C'est ce guide que nous vous proposons de découvrir à partir d'aujourd'hui.
Le texte que nous allons découvrir est recomposé pour une lecture plus aisée, mais nous avons tenu à en respecter l'orthographe originale.
Des environs délicieux
CARQUERANNE.
Au sud-ouest, à une lieue d’Hyères, est le hameau de Carqueranne, composé de diverses métairies et des châteaux de MM. Despine et Delaveau. Ce lieu a environ trois cents habitans ; des terres cultivées jusques aux bords de mer, des bois touffus, des habitations pittoresquement situées, des champs rians et animés à côté de sites sauvages, un air pur mêlé de tous les parfums aromatiques, et la présence de la mer, font de Carqueranne un endroit délicieux. Au nord-est du hameau on voit la montagne dite le Pic-des-Oiseaux, où l’on observe la lazulite et le marbre blanc et rouge, tandis qu’à son couchant se trouve celle dite la Colle-Noire, dont le sommet élevé a servi de point désigné au géographe Cassini. On parvient à Carqueranne, soit par le chemin de la Manarre, en suivant le sentier de correspondance des douanes, longeant la côte, où l’on peut visiter en passant les ruines trés-anciennes, très-curieuses du couvent d’Almanarre, soit par le chemin dit des Loubes, que l’on prend à cinq minutes d’Hyères, soit celui de Toulon. Cette dernière route est la plus rapprochée et la plus ordinairement suivie.
LA CRAU.
Enfin, au nord-ouest d’Hyères, et à une lieue, est situé le village de la Crau, dont la population est de 1,500 âmes. Les alentours de ce bourg sont charmans : on y retrouve le canal d’Hyères et la rivière de Gapeau sur laquelle ou a construit un pont aussi agréable qu’utile. On y remarque une inscription dédiée à M. Denis, maire de la ville d’Hyères. La température de la Crau est différente de celle d’Hyères, et quoique une très courte distance sépare ces deux endroits, les orangers ne peuvent prospérer dans le premier ; malgré la perte de cet avantage, le domaine qui y est situé, appartenant à Mme. Aubert, de Marseille, n’en est pas moins beau, pas moins orgueilleux, parmi les plus riantes et les plus fraîches prairies, au milieu d’arbres de haute futaie, disposés tantôt en bosquets impénétrables et tantôt en allées superbes et majestueuses, prés d’une rivière, de ce Gapeau créé pour embellir toutes les campagnes qu’il traverse, s’élève un magnifique château digne de la résidence des rois. Il domine une vaste étendue de terres cultivées, où semblent rouler tous les trésors de la végétation. On appelle ce domaine la Castille.
Au nord-est de la Crau et à demi-lieue, la propriété de M. de Boutiny, ancien maire, revendique ses droits à la beauté : elle n’a point les dehors gais et brillans de la Castille, non plus sa demeure somptueuse ; mais elle a les accidens heureux de sa situation, ses bois en amphithéâtre, ses prés solitaires que l’œil s’étonne de rencontrer, ses eaux que des peupliers et des marronniers gigantesques ombragent de toutes parts, ses énormes blocs de roches qui vont tomber et que cependant des siècles respectent dans leur miraculeuse immobilité, enfin son allée de plataniers qui n’a peut-être point de rivale et sous laquelle, en promenant, on répète volontiers ces vers de M. de Lamartine:
Là jamais ne s’élève
Bruit qui fasse penser
Jusqu’à ce qu’il s’achève
On peut mener son rêve
Et le recommencer.
On parvient au hameau de la Crau par le grand chemin de Toulon, et en le quittant à un quart d’heure d’Hyères, pour prendre celui qui se présente à droite et qui forme un embranchement.
Hors de la ville d’Hyères, au midi de l’arcade du Portalet et à quelques pas de distance, se trouvent les deux moulins à farine mis en jeu par les eaux du canal d’arrosage. Leur banalité fut aliénée à l’occasion de l’entreprise du canal que Rodolphe de. Liman acheva si heureusement. Le fermier de ces moulins, dont la propriété est à présent divisée, est M. Hébrard, négociant à Hyères.
Une superbe fabrique de soierie existe également extra muros, à dix minutes de la porte de la Rade, sur le chemin de la Burlière ; MM. Deloutte en sont les propriétaires.
Telles sont les indications indispensables aux étrangers pour connaître Hyères et son territoire. Comme c’est à- eux que ce Guide est particulièrement destiné, il convient aussi de leur fournir des renseignemens sur l’exposition d’Hyères et son état de salubrité, sur les maisons à louer, sur le genre de plaisir que l’on doit y attendre, sur les promenades, les routes, les messageries, ainsi que sur tout autre objet d’utilité.
Prochainement: géographie et santé, épisode n°8
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