En 1834 les guides Michelin n'existaient pas encore, et de loin. Ne parlons pas du Routard, ou même des guides Bleus... Néanmoins le voyageur n'est pas pris au dépourvu.
1834 On ne parle pas encore de La Londe, Horace Vernet est directeur de la Villa Médicis à Rome et pense plus à l'Algérie dont la conquête militaire est en train de se faire qu'aux Bormettes, dont il ignore vraisemblablement encore l'existence. Cependant un ouvrage pratique détaillé à l'usage du voyageur que l'on n'appelle pas encore touriste est mis à sa disposition. C'est ce guide que nous vous proposons de découvrir à partir d'aujourd'hui.
Le texte que nous allons découvrir est recomposé pour une lecture plus aisée, mais nous avons tenu à en respecter l'orthographe originale.
Des plaisirs simples loin des tumultes des grandes villes...
AGREMENS ET PROMENADES
HYERES n’offre aux étrangers qu’une faible part des plaisirs que l’on trouve ordinairement dans les cités qui ont ses revenus et sa population. Les réunions y sont peu nombreuses quoique bien composées, et l’on y est privé d’une salle de spectacle ; cela s’explique par le genre d’occupations qui appelle presque toute l’année à la campagne la plupart de ses habitans. Elle ne peut donc point approcher à cet égard de la ville animée et commerciale de Nice. Mais, qu’importent aux étrangers le faste des cités, leurs bals et leurs concerts, lorsqu’un grand nombre d’entre eux viennent de quitter des capitales qui les ennuient de leurs bruits ? En effet, des artistes célèbres, des dignitaires, des hommes de sciences, des négocians à hautes fortunes, tous fatigués de leurs longs travaux dans le monde, enfin des malades et des valétudinaires, sont loin de vouloir rechercher les plaisirs des cité. Une température douce, des promenades tranquilles, des sites pittoresques, des logemens agréables, des soins et une nourriture saine, des distractions toutes champêtres, une partie paisible de chasse ou de pêche, une course sur mer, voilà ce qu’ils veulent trouver dans les pays méridionaux qu’ils choisissent en hiver, soit pour s’y reposer, soit pour y améliorer leur santé. Sur ce point, Hyères agricole, Hyères solitaire a tous les avantages de la ville de Nice; et le genre de vie plus tranquille, plus rustique que l’on mène dans la première est préférable aux représentations de la seconde. D’ailleurs, Toulon, cette ville populeuse et riante, offre par sa proximité un change aux voyageurs qui veulent quelquefois du mouvement et des réunions plus éclatantes et plus multipliées qu’à Hyères. Mais quelques cercles privés, des cavalcades à modestes montures pour courir dans la campagne ou monter sur les collines, un repas aux bords de mer ou sur le gazon d’une vallée détournée, sont ordinairement les plaisirs simples qui constituent le plus grand bonheur des étrangers ; et à Hyères, que d’endroits charmans pour ces divertissemens salutaires ! Au sud de la ville, dans l’espace d’une lieue, la maison des Pesquiers, les sites maritimes de Saint-Salvadour, du Canebas et de Carqueranne, les collines agrestes de l’Hermitage et la grotte de stalactites qui en est voisine, enfin les alentours magiques de la Boutiny leur offrent des poses délicieuses. Tandis qu’au nord-est, et à demi-heure, les bords enchantés de Gapeau, les métairies de l’Oratoire et de la Grande-Bastide sont pour eux non point de ces promenades artistes et monotones, où, comme le dit Dupaty, chaque plate-bande n’offre qu’une fleur, chaque allée qu’un arbre, chaque espace qu’un grand chemin, et qui ne sont faites que pour un regard, une centaine de pas et une heure ; mais des promenades variées où à tous les moments l’œil et l’imagination se ravissent de concert, et qu’on ne peut parcourir sans se promettre d’y retourner cent fois ; ici, pour revoir les eaux de Gapeau qui passent tantôt sous la protection d’arbres antiques rangés en ligne sur leurs bords, tantôt sous l’abri d’arbustes qui se courbent au-dessus de leur lit pour y former en été des arcades et des berceaux gracieux ; là, pour ne pas oublier la construction bizarre et hasardée de la maison de l’Oratoire qui semble s’élancer au milieu de touffes de pins et de chênes ; plus loin, pour se ressouvenir des endroits alpestres et rocailleux où la chèvre légère broute et bondit sans crainte ; de tant de pâturages, de tant de troupeaux qui depuis l’Oratoire jusqu’au Plan du Pont animent l’œil, inspirent la joie et le contentement ; enfin, pour retrouver l’image charmante de ces essaims de blanches tourterelles qui s’envolent çà et là sur de vertes prairies, de ces pins séculaires dont les attitudes et les formes sont dignes d’être copiées, de toutes ces plantations diverses, de toutes ces allées qui se croisent et se rencontrent ; en un mot, de toutes les beautés champêtres qui se présentent avec une espèce de volupté à la Grande-Bastide de M. de Beauregard et à ses environs. Aussi dans les beaux jours, tous ces endroits, toutes ces promenades sont fréquentés par la plupart des étrangers, et la satisfaction qui les y accompagne si souvent, fait fleurir leur santé, premier bien qu’ils envient.
Pendant les jours que le froid ou les vents attristent, des promenades beaucoup plus rapprochées d’Hyères offrent des abris uniques ainsi, dans le vallon dit de Paradis, une température d’été s’y fait ressentir au milieu de janvier. Il est environné de collines peuplées jusque sur leurs croupes par des bouquets d’oliviers, et le sentier tracé sur le roc que l’on y rencontre, atteste encore les course en palanquin qu’y fesait très-souvent la princesse Pauline. Ce vallon, toutefois un peu mélancolique, est situé immédiatement après les dernières maisons du Côté est de la ville.
Celui dit de la Ritouarte a quelque chose de plus riant; l’on y suit le cours d’un ruisseau qui descend des montagnes, et l’on aime à s’égarer avec lui sous l’influence d’un calme bienfesant et salutaire. Cette vallée est également du côté de l’est à cinq minutes de la ville.
On peut citer aussi la grande promenade de la Burlière, ornée d’arbres et de bouquets de lauriers roses, située à l’extrémité est de la ville, dans la direction du nord au midi.
Enfin le quartier de Maurel à l’ouest d’Hyères. En désignant cet endroit on doit parler de tout ce qu’on éprouve de tendre et d’affectueux pour les alentours rians des maisons de campagne des dames Figaunères et du général Buchet: un petit sentier en forme toute la promenade; mais que d’objets pour vous y distraire Des saules, des noyers, d’ailées d’aubépines et de grenadiers, des gazons toujours verdoyans; ici, une eau qui murmure; là, un champ de blé qui s’agite; à côté, l’oranger qui s’élève et fait briller son fruit ou ses fleurs; à gauche, à droite, des prairies, des plantes potagères, des fraisiers, des vergers de tous les genres, et le tout dans un espace assez circonscrit pour que les regards puissent voir tout à la fois. Que cette retraite est aimable et paisible !
On arrive à Maurel par la promenade dite des Lauves , où l’on observe avec plaisir les signes allégoriques qui ornent le charmant pavillon de M. le chevalier de Boutiny, ancien officier supérieur de la marine, si obligeant pour les étrangers.
Ce quartier de Maurel est abrité par la montagne de Fenouillet, dont le sommet élevé mérite d’être visité par le superbe coup d’œil qu’il offre. Son accès n’est pas très-pénible en prenant le sentier qui du château d’Hyères longe la crête des collines qui vont y aboutir.
Les voitures publiques qui se rencontrent chaque jour sur la grande route, ont donné lieu à un genre de promenade tout particulier et que beaucoup d’étrangers adoptent, les uns, pour leur santé, les autres, par distraction: le matin ou le soir ils embarquent dans les diligences qui partent d’Hyères, où ils retournent, en prenant à l’endroit de la rencontre celles qui sont parties de Toulon. Indépendamment de leur but d’agrément, ces communications journalières sont d’une grande utilité pour l’achat de divers objets de ménage et de luxe qui ne se trouveraient point à Hyères.
Prochainement: des services de qualité! épisode n°11
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