mardi 7 juin 2022

Provence terre de cinéma (1)


Avec le Festival de Cannes qui vient de s'achever, c'était l'occasion pour faire un focus sur les rapports entre le cinéma et la  Provence.

L'article que nous vous proposons, est issu d'une conférence d'ALPHA  de 2019.

Relativement long, il sera diffusé en 5 parties.

1er épisode: Les origines

2eme épisode: Les studios de la Victorine

3eme épisode: Hyères et La Londe

4eme épisode: Deux monuments provençaux, Pagnol et Guédiguian

5eme épisode: En guise de conclusion



                                     Provence terre de cinéma



                                                  Par Jean-François Guilbaud


Conférence donnée le 18 octobre 2019 à La Londe-les-Maures dans le cadre du cycle 2019 / 2020 des conférences ALPHA.

                                     

En 2019 les studios de la Victorine à Nice, fêtaient leur centenaire. La Victorine est le studio de Français plus important longtemps à égalité avec ceux des Buttes Chaumont de Paris. Mais à la différence que ceux des Buttes sont aujourd'hui fermés et les terrains livrés aux promoteurs immobiliers tandis que ceux de Nice après une période de vaches maigres vivent une nouvelle jeunesse grâce aux efforts conjugués de la profession et de la ville de Nice. C'était l'occasion rêvée pour nous pencher sur les rapports entre le Provence et le 7eme art. 

Quand on dit Provence, c'est en réalité de toute la région sud-est dont il faudrait parler, car Nice et bien entendu Cannes, la capitale du Cinéma mondial le temps d'un festival ne sont pas à proprement parlé en Provence. Mais gardons le nom pour la poésie qu'il inspire. 


Ce sont plusieurs milliers de film qui ont été tournés dans la région. (Entre 5 et 10 000 selon qu'on inclus ou non les courts métrages, les documentaires, les téléfilms, et maintenant les séries). Vous vous doutez bien qu'il ne sera pas question ici d'être exhaustif.

Nous nous contenterons d'analyser ce cinéma dans certains de ses aspects les plus emblématiques, de nous pencher sur quelques films tournés dans notre environnement immédiat puis sur deux réalisateurs incontournables, un ancien et un moderne. Marcel Pagnol et Robert Guédiguian. Chacun à son époque ayant chanté la Provence et les provençaux. La filiation est évidente. L'un et l'autre sont enracinés dans le terroir, ils aiment les petites gens, les gens simples, ceux dont on ne parle que rarement, les gens de peu, ceux qui ne sont rien, mais qui vivent, aiment, souffrent, sont des abymes de bonté et de vertus, de droiture mais qui ont aussi leur failles, leurs fêlures, leurs  grandeurs et leurs mesquineries. Rien que des femmes et des hommes. Enfin bien qu'il ne soit pas provençal, nous nous attarderons un instant sur Jacques Rosier qui a tourné son premier film, un court métrage, dans le Var à Correns. 



                                                  Les prémices



Tout d'abord prenons la machine à remonter le temps. 

Nous sommes en 1896, le 6 janvier, Louis et Auguste Lumière industriels Lyonnais ont réuni quelques amis et les notables de La Ciotat, pour présenter leur dernière invention et les faire assister, à l'une des premières projections publiques du film qui restera dans les mémoires comme le film inaugural de l'histoire du cinéma: "l'Arrivée du train en gare de La Ciotat"



La première projection de ce que l'on n'appelait pas encore le cinéma eurent lieu peu de temps avant à Paris dans une arrière-salle de café, boulevard des Italiens le 21 Septembre 1895 . Elle produisit des effets difficiles à imaginer aujourd'hui pour nous qui vivons dans un monde sursaturé d'images. On a cependant passablement majoré ces effets, car comme souvent l'histoire et la légende ont tendance à empiéter l'une sur l'autre.


On a dit qu'en voyant la locomotive arriver les premiers spectateurs se seraient reculés pris d'effroi. Ce qui est tout-à-fait légendaire puisque "l'Arrivée" ne figurait pas au programme des projections du boulevard des Italiens (1). Parfois les réactions sont étonnantes, dans tel autre film, ce n'est pas le sujet principal qui provoque la surprise, mais les feuilles des arbres agitées par le vent en haut de l'écran. 



(1) Si la légende veut que "l'Arrivée du train en gare de La Ciotat" soit le premier film il n'en est rien et Marcel Pagnol serait à l'origine de cette fable, il est probable que ce fut "la Sortie des usines Lumières" tourné à Lyon où sont situées les usines de la famille. L'ont également précédés tournés à La Ciotat «Baignade sur la Plage», «Le Goûter de Bébé», et «l’Arroseur Arrosé». 

                   

                                                                          La tribu Lumière
                                  

L'Eden Théâtre de La Ciotat où eu lieu cette représentation est devenu une salle de cinéma toujours en exploitation. Elle peut même s'enorgueillir d'être la première salle de cinéma au monde et la doyenne des salles en activité. Depuis, beaucoup ont ouvert, et hélas fermé…



Les Lumière possédaient une villa dans la cité balnéaire où toute la famille se retrouvait en villégiature. 

Dès 1891, Antoine Lumière le père achète à La Ciotat un terrain 90 hectares. Il y fait bâtir une résidence baptisée le «Château du Clos des Plages», inauguré en 1893.



C'est ainsi que cette cité du Var acquis sa renommée internationale. 


                                  

                                  Pourquoi la Provence?


Pourquoi cette région a-t-elle développée un tel engouement pour le 7e art au point d'en faire sa terre d'élection? 

Il y a au départ une raison purement technique.

Dès le début le cinématographe est confronté à un problème majeur. Les pellicules sont peu sensibles, il faut beaucoup de lumière. Impossible de tourner en extérieur en lumière naturelle dans la plupart des régions. Le moindre nuage et à l'image, ça devient la nuit. La Provence avec sa luminosité et son azur permet de tourner sans problème presque toute l'année. 


                                              Le studio de Montreuil. Méliès est à gauche


Bien sur à l'époque on fait du cinéma ailleurs. À Montreuil, par exemple, aux portes de Paris, Georges Méliès construit en 1897 un théâtre studio éclairé par d'immenses verrières. Toujours tributaire de la lumière du jour, il ne pouvait au mieux tourner qu'entre 11h et 15h, alors il met au point un système d’éclairage avec 15 lampes à arc disposées sur un cadre 


garni de réflecteurs. Le cinéma de Méliès est avant tout un cinéma d'attractions, directement issu du spectacle d'illusion de Robert Oudin. Les trucages en sont la matière première. Un studio exigu est suffisant. C'est du théâtre filmé. Caméra fixe, prise de vue frontale. 

L'éclairage pose un énorme problème, car les lampes ne font pas que de la lumière, elle font aussi de la chaleur.. Et c'est vite insupportable. En 1899 pour filmer en Amérique un combat de boxe on installe d'énormes projecteurs au-dessus du ring, si bien que les pugilistes doivent s'abriter entre les rounds sous des ombrelles pour échapper à la surchauffe. Image assez comique et peu conforme à l'idée qu'on se fait des boxeurs… 

                                                                                                                                                                                                                 Méliès

Donc très rapidement les cinéastes prennent conscience des atouts majeurs présentés par la Provence. Les mêmes conclusions s'imposent aux USA, si on fait du cinéma à New-York, c'est en Californie qu'il prospère.


( à suivre mardi 14 mai)


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