Y a-t-il une comédie provençale?
L'Italie à inventé un genre qui lui est propre, la "comédie italienne" qui traite sous un mode ironique et léger de sujet parfois fort grave. Souvenez-vous de "La vie est belle" de Benini sur la déportation. L'autodérision est très souvent présente. Pour parler de cette capacité très italienne à se moquer de soi, le critique de cinéma Fabien Baumann titrera à ce propos dans la revue Positif: L'ivresse de la médiocrité. Tradition de la comédia de l'arte oblige sans doute. Combien de personnages sans qualité, des bras cassés, des losers. Ils sont légions, du "Pigeon" de Monicelli 1958 à "Affreux sales et méchants" d'Ettore Scola 1976. Les personnages sont bêtes, lâches, aujourd'hui on dirait "nuls" mais attachant de par leur naïveté et leur maladresse et leurs capacité à rebondir. Il n'y a pas de vrais méchants comme dans le cinéma américain beaucoup plus manichéen.
Dans la tradition française on respecte le plus souvent la séparation des genres, Comédie / drame, même ce n'est plus tout à fait vrai. Les comédies provençales elles abordent des sujets graves avec sérieux mais sans s'en donner l'air. Elles sont en cela les sœurs jumelles de la comédie italienne. On rit beaucoup chez Pagnol, mais comme on a pu le dire pour Molière quand on a fini d'en rire on devrait en pleurer. Le comédien Charles Blavette qui a fait 7 films avec lui disait: "On a appris que l'accent marseillais pouvait tout bêtement faire pleurer" . Alors Comédie ou drame la trilogie marseillaise? Une jeune fille qui se fait faire un enfant, la honte absolue à l'époque et la déchéance à la clef. Un fils qui fait le désespoir de son père et un enfant à la jeune fille…
… Un veuf qui reste sans successeur pour son commerce et sous entendu assurer ses vieux jours. Un capitaine de ferry-boat qui déshonore la marine française. Vous trouvez ça drôle vous? Et pourtant vous avez rit!
Chez Guédigian aussi il y a de l'humour. Pourtant on aborde les sujets sensibles de notre temps: le chômage, les fins de mois difficiles, la solitude, le vieillissement, l'insécurité, les espoirs déçus, les réfugiés, tout cela en mode léger et avec toujours une note d'espoir, car la vie est là et elle est la plus forte.
En tout cela la comédie provençale se rapproche de la comédie italienne. Mais après tout qu'est-ce qu'un provençal, sinon un italien qui serait né du mauvais côté des Alpes? Ne m'en veuillez pas pour la provoc… !
On aurait pu prendre d'autres exemples, citer les film d'André Hugon (Maurin des Maures, Gaspard de Besse) Bien entendu Jean Giono, (même si ses films sont plus âpres),
De tout cela on peut tirer l'idée qu'il y a un cinéma provençal avec des caractères et des points communs dans la lettre et l'esprit. Où la galéjade et le ton qui donnent cette apparence de superficialité, et masquent, par pudeur, tout un tragique et une sensibilité qui porte au respect.
Avant de nous quitter il nous faut toucher un mot d'un cinéaste qui certes n'est pas provençal, mais qui y a réalisé son 1er film. Un court métrage " La Rentrée des classes" .
Photogramme de La Rentrée des classes
Nous sommes en 1955 Rozier termine ses études à l'IDHEC la prestigieuse école de cinéma et part avec une caméra 16 mm en Provence. Il en tirera 2 film "Blue Jean" l'histoire de deux jeunes vacanciers venus draguer sur la côte, et " La Rentrée des classes" tourné en Provence Verte à Correns . C'est une histoire d'école buissonnière, réalisée avec les enfants du village et quelques adultes dans leur rôle. Ce film charmant et d'une fraicheur inégalée avait enthousiasmé un jeune critique du mensuel "Arts " François Truffaut et d'un certain J-Luc Godard critique aux "Cahiers du cinéma" qui n'étaient pas encore les réalisateurs que l'on sait. Ils y voyaient une révolution dans l'écriture cinématographique et le contre pied de ce qu'ils nommaient le "cinéma de papa" contre lequel ils menaient une guerre sans merci. Un peu plus tard, ce petit film sans prétention sera consacré par la critique et la galaxie cinéphilique comme le film manifeste et inaugural de ce qu'on nommera la "nouvelle Vague". Mais comme rien n'est simple d'autres prétendent que c'est le film d'Agnès Varda "La Pointe courte" non tourné en Provence mais à Sète, juste à coté . Nous ne prendrons pas parti dans cette inutile querelle.
J Rozier est aujourd'hui un vieux monsieur délicieux qui va fêter dans quelques jours en novembre à Toulon ses 93 printemps et travaille à un nouveau film.
Voilà! J'espère que vous me pardonnerez certaines affirmations un peu partiales et passablement chauvines je le confesse!
J'espère surtout vous avoir donné l'envie de voir ou de revoir ces films qui sont le miroir d'une région dont nous ne dirons pas qu'elle est la plus belle, car ça tout le monde le sait sauf peut-être...
Mais qui osera dire le contraire?
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