vendredi 8 septembre 2023

Note de lecture


Marie-Laure de Noailles

La vicomtesse du bizarre

par Laurence BENAÏM    


édit Taillandier TEXTO


 Née en 1902 dans une famille issue de la vieille aristocratie française d'une part  et de banquiers juifs d'autre part, l'une détestant l'autre mais chacune étant indispensable à l'autre, [Page 110: Des juifs, Laure de Chevigné (la grand-mère de Marie-Laure) avait tout accepté, à commencer par l'argent. ]Marie-Laure passe sa jeunesse à Grasse dans le confort quelque peu étouffant que donne la tradition et l'opulence. Enfance d'une petite fille riche dans un univers triste et compassé. Elle est descendante du marquis de Sade pour le côté aristocratique et liée aux Proust pour la part grand bourgeois. Un mélange détonant qui devait donner le destin hors norme de la dame de la Villa Noailles. Prise entre le feu d'un conformisme étouffant et les feux d'une modernité pour qui toutes les audaces étaient possibles, elle fut l'égérie, de tout ce qui a compté ou presque dans le domaine des arts du début du 20eme siècle.  Avec son époux le vicomte Charles de Noailles ils furent les hôtes dans leur villa hyéroise et les mécènes de Man Ray, Louis Buñuel pour n'en citer que deux. Jean Cocteau fait depuis toujours parti des intimes.


Laurence BENAÏM est journaliste, responsable de la rubrique mode du Monde, elle a signé une bibliographie d' Yves Saint-Laurent ainsi que plusieurs ouvrages sur l'histoire de la mode. Elle nous livre en 450 pages un éclairage nouveau sur la vicomtesse. 

Livre terriblement documenté, érudit même, parfois trop peut-être. On pardonnera cela aisément à l'auteure dont la culture est gigantesque sur le sujet, comme on lui pardonnera un certain ton mondain auquel on se laisse prendre au jeu agréablement, d'autant plus que nous baignons ici dans le "Gotha, le gratin" comme elle se plaît à l'appeler. On n'est pas chroniqueuse de mode impunément! A noter tout de même quelques imprécisions qui surprendront le lecteur cinéphile.

Autant le roman d'une femme, c'est celui d'un temps, qui s'étire de la Belle Époque aux Années Folles puis jusqu'aux années d'après guerre.  C'est aussi le roman d'un monde d'oisifs, frivole, replié sur lui et qui semble ignorer les vicissitudes du monde qui l'entoure et dont la préoccupation principale est de tromper l'ennui. Hors sol dit-on de nos jours? Marie-Laure n'est pas uniquement de ceux-là, elle est espiègle curieuse, inventive, volontiers provocatrice et tandis que le mariage enferme bien des femmes de son milieu dans les convenances, le sien la libère. Le couple Noailles fera preuve d'un très grand  courage dans leur défense des surréalistes. 

Les artistes trouveront dans cet univers leurs Pygmalion. 
C'est l'histoire d'une femme (d'un couple) qui vécut un rêve (surréaliste) hors du temps (de l'époque), d'une folie dans des années qui ne l'étaient pas moins, d'une classe oisive et passablement décadente.

PS: Cette année la Villa Noailles de Hyères fête ses 100 ans


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