mardi 23 janvier 2018

11 nov 1918 11 nov 2018 in memoriam



 2018 sera l'année du centenaire de la fin de la grande guerre.


En ces temps de commémorations je suis pris d'un intense malaise. Un siècle après le "plus jamais ça" tandis que le "ça n'a jamais cessé" est la règle même si d'aucun considèrent que nous sommes en paix depuis plus de 70 ans: que voit-on? La glorification des faits d'armes et des combats passés, la reconnaissance éternelle au son des clairons et des tambours de ceux qui ont laissé leur vie pour défendre la patrie. Cérémonies certes émouvantes et je ne suis pas le dernier à m'émouvoir. Mais ces manifestations empruntes de grandiloquence s'inscrivent dans un récit héroïque oubliant une terrible réalité. Ces hommes avant d'être ces preux qu'on a voulu en faire ont été des êtres souffrants, des martyrs qui le plus souvent se sont tu sur ce qu'ils ont vu et subit. Paroles échangées contre des médailles, volonté d'oubli pour ne plus revivre le cauchemar. Pudeur. Amnésie salvatrice pour ne pas sombrer dans la folie Ils ont connu la peur, la misère, les blessures, celles du corps et de l'âme. Ceux qui en sont revenus ont été marqués à vie. Ils ont enduré trop souvent l'injustice, subi la morgue et le mépris de la haute hiérarchie politique et militaire. À ce titre souvenons-nous de la désastreuse aventure du XVème Corps. De la chair à canon! Rien d'autre. Peut-on seulement imaginer l'angoisse de chaque instant en imaginant le pire et les drames vécus par ceux et celles qui ont été leurs parents, leurs fiancées, leurs épouses, leurs enfants? Qui sait le monde qui s'effondre sous leurs pieds quand le maire du village, ou les gendarmes viennent frapper à la porte; messagers de la mort? Qui sait les vies et les destins brisés? Les orphelins, les veuves, les infirmes, ceux qu'on a nommés les gueules cassées qui se sont exclus de la société tellement leur apparence faisait horreur? Aujourd'hui on parle de stress post-traumatique et il est mis en place des traitements de ses conséquences. Mais à l'époque?
   
Il y a une photographie quelque part dans un album de famille. Petite photo de rien, sur des gens de peu. C'est la photo de mariage de mes grands-parents maternels. Nous sommes en juillet 1918. Curieuses noces paysannes où il n'y a pas plus d'une quinzaine de personnes. Ils se sont mariés lors d'une courte permission de mon grand-père artiflot comme Guy au galop et déjà blessé, mais pas suffisamment sans doute pour être renvoyé chez lui. Sur la photo une majorité de femmes, quelques enfants et que des hommes âgés à l'exception de l'oncle Joseph grand blessé et en uniforme. Tous ont l'air triste, pas un sourire sur les lèvres car au même moment ils savent que dans un hôpital quelque part dans l'Est un autre fils, un frère est en train de mourir. Grièvement blessé une première fois, réparé tant bien que mal, jugé apte à mourir il est renvoyé au front. Cette fois il n'en reviendra pas.

Je ne raconte pas cette histoire parce qu'elle m'est proche, mais parce qu'elle illustre bien les souffrances liées aux guerres. C'était une famille française mais elle aurait pu aussi bien être allemande ou autre en d'autres temps. Alors loin des pages glorieuses de l'histoire et des faits d'armes légendaires, pensons surtout à la peine des Hommes.


JFG

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