mardi 6 avril 2021

Quand Napoléon s'ennuie!


L'image que nous avons de l'empereur des français est celle d'un général chevauchant à la tête de ses armées, ou celle du travailleur solitaire qui à la lueur d'une chandelle rédige le code qui portera son nom ou le statut de la comédie française tandis que brûle Moscou. Dans notre imaginaire collectif c'est aussi le travailleur infatiguable qui ne dort que 4 heures par nuit. C'est méconnaître une autre face de l'activité du petit caporal. Ses après-midi étaient consacrées aux audiences ou à des réunions. Conseils d'Etat, des Ministres, des Finances, du Commerce et tant d'autres inhérentes à la fonction de chef d'état. La découverte récente de feuilles d'ordre du jour de réunion, l'exploration des mémoires de proches ou de collaborateurs montrent un Napoléon s'ennuyant ferme et relativement distrait. Gribouillant sur ses papiers pour passer le temps quand le sujet ne l'intéresse pas ou bien même dormant sur la table de travail la tête posé sur l'avant bras si on en croit le mémorialiste Las Cases. Chaptal alors ministre de l'intérieur relève que qu'il était arrivé à l'empereur de dépecer compulsivement le bras de son fauteuil avec un petit canif au milieu des délibérations. Le petit corse était sans doute pris d'impatience et soucieux d'en venir aux faits. C'est à dire à ce qu'il avait, lui, décidé. 

Charles-Eloi Vial, spécialiste de Napoléon et fidèle lecteur de notre bibliothèque, a exhumé du fonds de manuscrits de Frédéric Masson un curieux document (Ms Masson 101, pièce n° 6) qu’il a analysé dans L’Histoire n° 479 de janvier 2021, en un article intitulé « Les dessins d’ennui de Napoléon » (pp. 78-79).

Il s’agit de « deux feuilles d’ordre du jour du Conseil d’État des 18 et 25 juillet 1806. Subtilisés puis revendus sur le marché de l’autographe, ces documents extraordinairement raturés montrent qu’il arrivait à Napoléon de s’ennuyer pendant les réunions. »

Gribouillages enfantins

« Les immenses gribouillages quasiment enfantins qui défigurent cet ordre du jour du 18 juillet évoquent ainsi les Mémoires du chimiste Chaptal, ministre de l’Intérieur sous le Consulat : « Dans la salle du conseil et au milieu d’une délibération, on le voyait, un canif ou grattoir à la main, dépecer le bras de son fauteuil […]. Pour varier ses plaisirs en ce genre, il s’emparait d’une plume et couvrait de larges barres d’encre chacune des feuilles de papier qu’il avait devant lui. Dès qu’elles étaient bien noircies, il les froissait dans ses mains et les jetait à terre ».


Un graffiti militaire ?

« Certains de ces graffitis évoquent par ailleurs les plans de certaines villes fortifiées, comportant plusieurs lignes de défense augmentées de redoutes. […] Peut-être laissait-il parler les spécialistes en supportant l’ennui, avant de ne prendre la parole qu’au moment du débat, où il pouvait exercer son remarquable esprit de synthèse »


« Lion Napo »

« Les « N » stylisés en forme de vagues sont tout aussi étonnants que les jeux sur son prénom, « Napolion – Lion Napo », qui rappellent quant à eux les témoignages des officiers de son état-major, qui l’entendaient souvent se comparer au roi des animaux au soir de certaines batailles. »

Observations : taches d’encre

« Dans le détail, les vingt dossiers à l’ordre du jour ce 18 juillet 1806 montrent l’extraordinaire activité des conseillers d’État, juristes minutieux et exacts, face à un Napoléon trop impatient pour entrer dans les détails. L’immense tache d’encre qui se déploie le long de la colonne « observations » suggère qu’il n’en avait guère ! »




Sources: L'HISTOIRE février 2020

               Bibliothèque Thiers, Institut de France


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