Et tout commence par une chanson
Nous sommes au tournant du siècle. La France fière de son Empire chantait en sortant des expositions universelles et coloniales :
Je suis gobé d'un' petite
C'est une Anna, c'est une Anna, une Annamite
Elle est vive elle est charmante
C'est comm' un z'oiseau qui chante
J'l'appell' ma p'tit bourgeoise
Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise
Y'en a d'autr's qui m'font les doux yeux
Mais c'est ell' que j'aim' le mieux.
Alors Tonkinois, annamites, indochinois ?
La colonisation parlait d'Indochine mais pour désigner les indochinois on employait couramment le vocable d'annamites. Syncrétisme par commodité dirons-nous. L'Indochine elle, était un ensemble de pays et de peuples comprenant le Tonkin, l'Annam, la Cochinchine, le Laos et enfin le Cambodge appartenant à l'Empire colonial depuis le milieu du XIXème siècle.
On entonnait encore ce refrain quand survint ce qu'on devait appeler plus tard la Grande Guerre puis imprudemment la der des ders.
Bien sur, pendant un temps "La Madelon" supplanta la "Tonkiki", mais la mère-patrie n'en oublia pas pour autant ses lointains enfants.
Après quelques mois d'une guerre imaginée non seulement courte mais fraiche et joyeuse, il fallu bien se rendre compte qu'elle serait plus longue et plus meurtrière que prévue. Les hécatombes de l’été 1914 firent prendre conscience aux état- majors que le conflit réclamait toujours plus d'hommes d'une part et de matériel d'autre part. Pour cela il fallait des soldats pour les tranchées et des ouvriers pour l'industrie de guerre. D'autant plus qu'au début des hostilités l'armée était peu préparée et mal équipée pour des combats mettant en action des armes nouvelles et puissantes. Pantalons rouges et une artillerie quelque peu symbolique comparée à celle de l'ennemi. Il est inutile de rappeler ici la désastreuse aventure du 15ème corps qui illustre parfaitement la situation et l'état d'esprit d'une hiérarchie militaire méprisante des hommes dont elle a la responsabilité et dont les archaïsmes et le conservatisme furent à l'origine de la mise hors de combat en une seule journée de presque 13 000 soldats provençaux et corses. Excusez du peu !
Le Gal Mangin
Dès octobre 1915, alors que la France s’enlise dans la guerre, un décret défendu par le général Mangin ordonnait le recrutement de soldats et de travailleurs en Afrique occidentale française et dans la foulée en Indochine. La Force noire et la Force jaune, selon les expressions de l'époque, immenses réservoirs humains qui allaient venir participer à la défense de la "Mère-Patrie".
Premier effet indirect, la guerre de 14-18, allait inaugurer la première rencontre massive sur le territoire métropolitain entre citoyens français et « sujets des colonies » selon l'expression Mireille Le Van Ho. Mais empressons-nous d'ajouter que ce ne fut pas forcement de grands moments de fraternité comme nous le verrons.
Nous ne parlerons uniquement ici, bien sur, que des soldats et ouvriers Indochinois laissant de côté les autres coloniaux.
Près de 90 000 vietnamiens seront enrôlés et dirigés vers les casernes ou les usines d'armement. 50 000 resteront à l'arrière comme ouvrier non spécialisés (ONS) aux côtés d'autres ouvriers venus des pays neutres, 40 000 rejoindront le front. La grande majorité originaire du delta du fleuve rouge.
Prochain épisode: Un recrutement laborieux
ann
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