Il était pratiquement impossible pour des raisons techniques de publier ce travail dans un seul message. J'ai donc pris le parti de vous le livrer en feuilleton jours après jours. Si vous le prenez en route, n'oubliez pas le principe d'un blog : c'est celui d'un journal. Le dernier est au-dessus de la pile !
Et dans le Var ? À La Londe ?
Dans le département du Var comme dans les autres départements de la région, les coloniaux sont nombreux. D'abord parce que Marseille est pour eux la porte d'entrée en métropole, ensuite parce que c'est dans la région qu'ils sont "acclimatés" et formés au combat pour ce qui est des soldats. Ils sont répartis dans les six camps de la région. Quant' aux travailleurs civils l'industrie de guerre tournant autour du port de Toulon et de son arsenal est grande pourvoyeuse d'emplois. Fabriques d'obus, de torpilles, de munitions, poudreries.
Bâtiment des Bormettes ayant servi de logement aux annamites
C'est ainsi que nos annamites prirent pied à La Londe. Peu de documents nous informent sur leur séjour dans la commune. Nous ne saurons rien ni sur leur nombre, ni sur la durée de leur séjour. Nous savons simplement qu'ils étaient employés aux Bormettes dans l'usine de fabrication d'obus Schneider, qu'ils étaient cantonnés également aux Bormettes. Combien étaient-ils ? Combien de temps sont-ils restés ? S'il semble qu'on ne puisse répondre à la première question, on est en droit de penser qu'ils sont arrivés à partir de 1915 mais ont-ils tous passé l'intégralité de la guerre à La Londe ? Y avait-il un renouvellement, des transferts ? Il est impossible de
répondre à ces interrogations. À notre connaissance aucune archive ne l'indique. Ce qu'on sait par la tradition orale, c'est que tous ne furent pas rapatriés mais que quelques uns s'installèrent soit à La Londe soit à Toulon et les environs faisant venir parfois leur famille et s'employant localement, entre autres à L'Arsenal ou montant des petits commerces et selon certaines sources, dans les entreprises de fabrication de bouchons.
Un drame présent et à venir
Devant l'afflux de blessés mais aussi de malades, le service de santé des armées avait à sa disposition un dispositif hospitalier comportant plusieurs échelons, et avec les statuts et des missions différents. Rapidement citons en dehors des hôpitaux avancés, les hôpitaux Complémentaires, Auxiliaires, les hôpitaux dits Bénévoles, et de Convalescence. Le Var comme tout le Sud- Est est pourvu en ces différentes structures.
Les besoins du front sont gigantesques en médecins, chirurgiens, infirmiers on est en droit de penser que ceux de l'arrière n'étaient pas une priorité. Ces hôpitaux n'étaient pas tous en mesure de mener à bien leurs missions dans de bonnes conditions. Il faut se rappeler que nous sommes au tout début du XX éme siècle, qu'il n'est pas possible d'imaginer seulement ce que pouvaient être un hôpital à cette époque. Surtout à l'échelon local. Vétusté, conditions d'hygiène et de sécurité sanitaire souvent déplorables. Personnels mal formés. Les services de salles étaient assurés par des infirmiers réformés, ou par des convalescents, parfois par de simples bonnes volontés.
La prise en main par l'armée et ses médecins devait améliorer les choses.
Hôpital militaire annamite de Fréjus
Mais hélas le pire n'était pas toujours évitable. C'est ainsi qu'en février 1916, un médecin-major, le Dr Carnot, observait à Marseille une « épidémie spéciale de pneumococcie » ayant « éclaté chez les travailleurs annamites avec une gravité considérable ». Mais il semble que ce qu'on nomme la pneumonie des Annamites n'inquiète pas outre mesure les médecins militaires. Ne s’agit-il pas d’un mal exotique étranger à la race blanche ? On n'ose à peine évoquer certains rapports. Pour rester pudique citons encore le Dr Carnot : « Cette septicémie se comporte, chez les Annamites, comme chez les animaux de laboratoires, lapins et souris.» Ou « Ces Annamites réagissent comme des enfants ou des animaux sensibles ». Le Dr Labbé conclut dans un rapport de février 1917 : « Il y a là une pathologie très différente de la nôtre. D’ailleurs, quand on visite les hôpitaux des malades de couleur, on a parfois l’impression d’être en présence d’infections nouvelles inconnues aux hommes de nos climats et que les médecins instruits des maladies tropicales ne connaissent même pas. »
Conditions d'hygiène difficiles, méconnaissances épidémiologies, personnels médicaux dépassés, mal préparés, on voit l'épidémie flamber, prémices d'une gigantesque pandémie qui fera des ravages dans toute la population en 17 d'abord, puis dans l'immédiate après guerre : la grippe espagnole.
Prochain épisode: Et le chemin des Annamites dans tout ça ?
ann
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