dimanche 5 février 2017

LA PRISE DE LA SMALAH D'ABDELKADER PAR HORACE VERNET 4/4

                                                                                  Une commande d'état

C'est en 1843 que Louis-Philippe passe commande à Horace Vernet, alors au sommet de sa gloire, une toile de très grande dimension pour un ensemble devant trouver sa place à Versailles dans un nouvel aménagement destiné à valoriser la monarchie de Juillet. Vernet se rend sur place pour voir le paysage, se documente, interroge. Commencée dans la salle du Jeu de Paume à Versailles la toile est terminée aux Tuileries en 1845. Avant de gagner sa place définitive, elle sera présentée au Salon de 1845 avant d’être installé à Versailles. Il aura fallu huit mois de travail. Peinture guerrière s'il en est, l'histoire veut que le bleu du ciel ait été étalé au sabre !
C'est l'événement du salon mais la réception de l'œuvre est mitigée. Sans doute la politique et les jalousies n'y sont pas étrangères. La critique est parfois sévère, Charles Baudelaire en particulier s'acharne sur le peintre : "Cette peinture africaine est plus froide qu'une belle journée d'hiver" c'est "un vaste panorama de cabaret… ces sortes de décorations… "  décoration ! Insulte suprême ! Le poète à la dent dure. Mais ses coups de griffe, ne sont pas réservés au seul Vernet. D'autres de ses contemporains en font les frais. George Sand en particulier avec une parfaite muflerie. Peut-on accorder crédit à un critique qui a fait un système de ce qu'il appelait "l'éreintage" qui consistait à vitupérer les gens et l'époque dans une sorte de misanthropie haineuse. Peu trouvaient grâce à ses yeux. Hugo en fit également les frais. Il semble que Manet et Delacroix y aient échappés. Mais cela n'est-il pas lié aux oppositions qu'il a avec le courant romantique ? Ce serait alors tout à l'honneur de notre peintre. Vernet le Classique, reçois là un brevet de romantisme.
Ce qu'on reproche à la toile : D'abord d'abandonner la composition classique avec un sujet central mis en valeur, au profit d'une vision romantique éclatée. Ici l'anecdote est partout et l'épique l'emporte sur l'esthétique rigide du classicisme. Le duc D'Aumale n'est pas au cœur du sujet, ni même en premier plan. Lèse majesté ? Enfin le gigantisme inhabituel du tableau désarçonne un public très conformiste.

                                                                                        Charles Baudelaire

Il serait vain de vouloir isoler la toile de ses voisines qui lui font écho (8). La galerie est voulue par Louis-Philippe à un moment où son pouvoir est contesté et sa politique loin de faire l'unanimité. Nous sommes bien ici dans une opération de propagande, aujourd'hui on dirait de communication. Il s'agit de montrer la valeur de la famille royale et de son engagement pour la grandeur de le France. De donner l'idée que la possession de l'Algérie est le fait du roi. Nous savons qu'il n'en est rien nous l'avons vu, puisque commencé avec Charles X, il a fallu attendre le IIIe Empire pour pouvoir parler de pacification… et encore !


(8) Le musée comporte la Galerie des Batailles (Trente-trois tableaux monumentaux racontent l’épopée militaire de la France) , les Salles des Croisades, la Salle du Sacre, la Salle des Etats Généraux, la Galeries de pierre (sculptures), la Salle de 1792, la Salle de Constantine, et celle de la Smalah.


Bibliographie
 
Paul AZAN L’Émir Abd-el-Kader 1808-1883. Édit Hachette 1925
Eugène DELACROIX Journal 1822-1863. Édit Plon
Antoine COMPAGNON Un été avec Baudelaire. Édit des Equateurs
Marcel EGRETAUD Réalité de la nation algérienne. Édit Sociale. 1960
Christine PELTRE Orientalisme. Édit Terrail.
 Eugène FROMENTIN  Un été dans le Sahara. Edit Flammarion


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