vendredi 12 novembre 2021

Pour visiter Hyères. Un guide du voyageur. 2eme épisode.

 

En 1834 les guides Michelin n'existaient pas encore, et de loin. Ne parlons pas du Routard, ou même des guides Bleus... Néanmoins le voyageur n'est pas pris au dépourvu. 

1834 On ne parle pas encore de La Londe, Horace Vernet est directeur de la Villa Médicis à Rome et pense plus à l'Algérie dont la conquête militaire est en train de se faire qu'aux Bormettes, dont il ignore vraisemblablement encore l'existence. Cependant  un ouvrage pratique détaillé à l'usage du voyageur que l'on n'appelle pas encore touriste est mis à sa disposition. C'est ce guide que nous vous proposons de découvrir à partir d'aujourd'hui.

Le texte que nous allons découvrir est recomposé pour une lecture plus aisée, mais nous avons tenu à en respecter l'orthographe originale.

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Invitons à présent le lecteur à un exercice de géographie comparée:

Hyères d'hier et Hyères d'aujourd'hui et où un paysage est comparé aux peintures des Vernet pour en souligner la beauté et l'harmonie.


INTÉRIEUR DE LA VILLE.


Les groupes de palmiers qui ornent le superbe jardin de M. le comte de Beauregard, indiquent aux étrangers qu’ils touchent à la patrie de Massillon. On y arrive par la place dite des Récollets, et c’est de là que le voyageur reçoit la première impression que fait naître le beau territoire d’Hyères ses regards embrassent à la fois le ciel le plus pur, la campagne la plus fleurie et l’aspect séduisant de la mer et des Iles ; cette place, d’un carré long, est bornée du côté du couchant par l’ancien couvent des Récollets, vieil édifice qui fut fondé en 1621 et qui a été converti en une maison de plaisance ; le canal qui fertilise les jardins la longe du côté du midi. On y remarque une fontaine à forme pyramidale, élevée en 1832, et sur laquelle on lit cette inscription : « à Monsieur le baron Stulz, * la ville d’Hyères reconnaissante ».


Cette place est sans contredit la plus agréable et la plus riante. Dans la belle saison on vient souvent s’asseoir sous les vieux ormeaux qui l’embellissent pour jouir du merveilleux tableau de la campagne, et pour aspirer avec le frais du soir le parfum délicieux des orangers. En hiver la verdure orgueilleuse des jardins et les abris que l’on y trouve la rendent également très-précieuse.

Hyères est entourée de murailles qui lui servaient de remparts et dont la construction est attribuée aux Romains. On en a utilisé les solides débris en y bâtissant des maisons très agréables sous le rapport de leur exposition et de leur division intérieure. Cette cité conserve encore les deux anciennes portes qui devaient primitivement la clore et la préserver contre l’attaque de ses ennemis. Elles sont voûtées et construites en forme de tour carrée. La première, désignée sous le nom de Porte de Fenouillet, conduit en suivant devant soi aux quartiers hauts et en tournant immédiatement à droite à la rue de Liman, nom de l’habile constructeur du canal qui la borde. Cette rue longe une arcade intermédiaire appelée Portalet, d’où l’on peut monter par la rue qui porte ce nom à la place Massillon, et elle va aboutir sous des portiques et de là à l’autre porte de la ville dite la Rade, située à l’extrémité Est. De cette dernière porte ou va intérieurement à la rue Massillon, qui se prolonge jusqu’à l’Hôtel de Ville, et extérieurement aux places de la Rade et des Cordeliers ou Royale. A la première de ces places, vers le point méridional, on distingue le portail en fer qui donne issue au Jardin Filhe, séjour des plus rares beautés horticoles, et à l’est le château de M. Denis, maire, où le luxe des arts se joue dans son magnifique ameublement. La place Royale, entourée d’arbres, offre une promenade agréable. Ou y voit le buste en marbre du célèbre Massillon, fait dans les ateliers de Rome par les soins du ministre Martignac et élevé sur une colonne d’une seule pièce, dont le don a été fait à la ville par M. Stulz en 1832. On y remarque ensuite l’église des Cordeliers, fondée il y a environ sept siècles. Sa construction est très solide, et son architecture du moyen-âge ressemble dans sa hardiesse à celle de l’église Saint-Maximin. Les Cordeliers possédaient les tombeaux des seigneurs de la maison de Fox; deux pierres tumulaires, l’une très-petite et placée sans apparence à l’extérieur de l’église, l’autre plus grande et plus ostensible établie dans l’intérieur, à la nef latérale sud, en indiquent le souvenir. Mais il faut être paléographe pour en déchiffrer les caractères gothiques. Selon la chronique, Saint Louis, en 1254, au retour de la Terre-Sainte, fit aux Cordeliers une neuvaine de dévotion. Pendant son séjour il entendit prêcher dans la campagne un religieux de Saint-François, natif de Digne, qui tonnait contre les mœurs des moines ambitieux qui suivaient la cour. Les mémoires de Joinville, rapportés par Papon, assurent que le roi et toute sa suite sortirent de la ville pour l’entendre. Papon fait dater de 1290 l’église des Cordeliers c’est là sans doute un anachronisme, corrigé d’abord par l’existence bien antérieure des tombeaux de la maison de Fox dans ce couvent, et ensuite par le millésime 1155 qui parait gravé sur un des cordons de la voûte, non loin de la porte principale.

La place Massillon est à peu prés le centre de la cité. On y remarque une maison de Templiers qui, comme tous les anciens monumens, est très solidement bâtie. Les frères Arnaud, Pierre-Jean de Montmeillan et Raymond de Angulis sont, selon l’historien Bouche, les infortunés religieux qui y furent arrêtés. L’air gothique de cette maison, qui sert aujourd’hui d’Hôtel de Ville, plaît à l’amateur des antiquités. Sur sa gauche, dans une rue obscure, étroite, mal pavée, appelée du nom Rabaton, se trouve la modeste habitation du grand évêque dont la voix éloquente intimida l’orgueil du superbe monarque qui disait : L ‘état, c‘est moi ! La chambre au rez-de-chaussée où il naquit est décorée d’inscriptions dédiées à ce prélat et qui font l’éloge de leur auteur.

C’est aux environs de la place Massillon et dans les rues adjacentes que sont les boutiques des marchands de toute espèce, que se vendent les fruits, les légumes, les poissons et tout ce qui sert à la nourriture. De cette place on peut se rendre à l’ancien établissement des Pères de l’Oratoire sous lesquels l’évêque Massillon fit ses premières études. La maison qu’occupaient ces religieux est spacieuse et assez bien conservée, mais leur église dévastée et sans toiture sert à présent de jardin. Ou peut aussi visiter, non loin de là, la chapelle que M. le baron suédois de Stiruel consacra au souvenir de son épouse. C’est du quartier voisin et solitaire de la Barbe-Canne que commence la ville haute on y trouve la cathédrale Saint-Paul, dont la construction est dans le genre de celle de l’Hôtel de Ville et date de la même époque. Son parvis n’a rien de l’art, mais il offre un tableau digne des Vernet et des David c’est la campagne d’Hyères toujours belle, toujours harmonieuse. Toutefois les regards aiment à suivre, vers le haut de la place, le dessin hardi et mignon d’une tourelle placée au coin de la maison Clapiers. Les quartiers plus élevés, occupés par la classe des cultivateurs, n’offrent que des maisons très-anciennes, généralement petites et délabrées. On y voit cependant des restes de fort belles murailles, de larges portes dont les assises sont d’une coupe élégante, des arcades à demi ruinées et d’anciennes voûtes qui constatent encore un état passé d’aisance. On y remarque du côté du couchant, au quartier de Sainte-Claire, le couvent de ce nom qui n’est plus qu’un amas de décombres, et du côté du nord les vestiges d’une église antique connue sous la dénomination de Saint-Pierre. Ces maisons religieuses ont subsisté jusqu’à la révolution, et si le pays eu a déploré la chute dans un temps de malheur, il doit se féliciter du dédommagement que notre époque lui offre dans l’institution des écoles qui répandent libéralement sur toutes les classes le bienfait de l’éducation jadis si coûteux et si peu étendu. A cet égard la ville d’Hyères doit un tribut d’hommages à une dame de Paris qui, en 1815, légua une somme importante pour la fondation d’une Ecole Chrétienne, dont l’utilité actuelle fait chérir sa mémoire. Un propriétaire d’Hyères, M. Blaise Aurran, a généreusement contribué à la réalisation des vœux de la charitable et philanthrope dame du Ballion.


* NDLR. En 1824 Georges Stulz, était tailleur à la cour d’Angleterre, il s’installe à Hyères pour bénéficier de son climat. Il sera anobli à la fin de sa vie au rang de Baron. 

Prochainement: la presqu'île de Gien et les Îles


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